Présidentielle 2017 – Analyse Provalis Research / Infostats des discours May 5, 2017 - Blogs on Text Analytics, Nouvelles à propos de Recherches Provalis
Ce texte présente les résultats sommaires d’une analyse de discours des cinq plus importants candidats à la présidentielle française, en se centrant sur les particularités des discours de Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
MÉTHODOLOGIE
Nous avons analysé à l’aide du logiciel d’analyse sémantique WordStat 154 discours prononcés entre le 20 janvier 2016 et le 23 avril 2017 des cinq principaux candidats de la présidentielle française, soit les discours de Hamon (20 discours), Macron (35 discours), Le Pen (28 discours), Mélenchon (26 discours) et Fillon (45 discours). Les mots apparaissant au moins 50 fois et les expressions apparaissant à au moins 15 reprises et dans au moins trois discours différents ont été extraits pour ensuite comparer leur fréquence relative pour chacun des cinq candidats.
Plutôt que de simplement extraire les mots les plus fréquents de chaque candidat, nous avons choisi d’identifier les éléments qui caractérisent le discours des deux candidats ayant remporté le premier tour, soit Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Nous avons procédé en sélectionnant pour chacun des deux candidats tous les mots et expressions utilisés au moins deux fois plus souvent que les candidats concurrents.
Cependant, une bonne connaissance d’un candidat passe non seulement par les termes dont il fait usage, mais également par ceux qu’il omet, volontairement ou non. Nous avons donc tenté d’isoler les mots et expressions peu souvent utilisés par chacun de ces deux candidats, mais fréquemment utilisés par l’ensemble de ses adversaires. Nous pensons que ce type d’analyse peut être révélateur dans la mesure où dans ses discours, c’est le candidat qui choisit le contenu à traiter, contrairement aux débats ou aux interviews où un sujet peut être soulevé par les autres, obligeant le candidat à répondre. En nous centrant sur les sujets peu fréquents dans les discours nous espérons ainsi identifier les sujets auxquels Emmanuel Macron ou Marine Le Pen attachent moins d’importance ou desquelles ils veulent se distancier.
Pour bon nombre de ces mots et expressions, nous avons vérifié leur utilisation dans le contexte afin de déterminer le sens précis du mot ou de l’expression et de déterminer s’ils étaient utilisés dans un sens positif afin de promouvoir une idée ou, au contraire, d’un point de vue négatif pour la critiquer.
Les nombres entre parenthèses accompagnant certains termes indiquent le ratio entre la fréquence d’utilisation par le candidat cible et son adversaire le plus proche. Ainsi, un score de 3.0x associé à un mot d’un candidat signifie qu’il a utilisé ce mot proportionnellement trois fois plus souvent que le candidat ayant utilisé ce mot le plus fréquemment parmi ses adversaires. Il s’agit donc d’un ratio plancher qui aurait été plus élevé si nous avions choisi la moyenne des fréquences d’utilisation par ses quatre adversaires. En contrepartie, dans le cas des mots peu utilisés, un score négatif entre parenthèses de -3.6x signifie que le taux d’utilisation du mot en question est 3.6 fois inférieur chez ce candidat que le deuxième taux le plus faible.
Nous présentons ci-dessous les résultats pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
LES DISCOURS D’EMMANUEL MACRON
Les discours de Emmanuel Macron se caractérisent par un vocabulaire qui traduit un dynamisme évident avec des mots et expressions fortement liés au changement et à l’accomplissement tels que renouvellement (11.0x), mobilité (8.0x), mise-en œuvre (6.4x), transformation (5.1x), avancer (3.6x), construire (3.0x), transformer (2.5x), ambition (2.4x), défi (2.2), défis (2.1), et réforme (2.0x). Ses propos expriment une ouverture et un optimisme avec des mots et expressions tels que faire réussir (14.9x) accéder (5.3x), êtres humains (5.0), opportunités (4.5x), dialogue social (4.5x), émancipation (4.2x), réconcilier (4.2x), accompagner (2.3x), ouvert (2.0), ouverte (2.0x). Il évoque plus que tout autre candidat les notions d’organisation collective (8.6x), de société civile (4.1x) et de collectivités territoriales (2.3x). La tonalité du discours de Macron est clairement positive puisqu’on retrouve également des mots comme heureux (2.6x), formidable (2.5x) ou autonomie (2.1x) pour ne donner que quelques exemples. En fait, rares sont les mots à connotation clairement négative. On notera parmi les 67 mots et expressions caractéristiques de Macron seulement deux mots à tonalité négative soit risques (3.8x) et injuste (3.0x).
Contrairement aux quatre autres candidats, Macron n’a jamais mentionné les noms de Hollande ou de Sarkozy, ni celui de Hamon ou Juppé, lui permettant sans doute ainsi de garder un ton plus positif et de se distancier du passé auquel il ne veut pas être associé. Il semble cependant occulter certaines réalités. Ainsi, il n’a jamais utilisé les expressions libre échange, politique économique ou conditions de travail et il a très rarement fait référence à la loi El Khomri (-8.0x) ou à des mots touchant des réalités socio-économiques difficiles tels pauvreté (-4.2x), pauvre (-2.9x), retraites (-2.5x), retraite (-2.2x), espérance de vie (-2.3x) salaires (-4.6x) et heures supplémentaires (-2.4x). De plus,il n’évoque que rarement la question du nucléaire (-7.9x), et utilise ce terme essentiellement en rapport aux questions de défense et d’armement, évitant ainsi le débat sur le nucléaire comme source d’énergie électrique. Il évoque également moins souvent que ses adversaires la Russie (-2.5x) et les États-Unis (-2.1x).
LES DISCOURS DE MARINE LE PEN
Les discours de Marine Le Pen se caractérisent, quant à eux, très clairement par un nationalisme protectionniste qui remet en question l’appartenance à l’Union européenne et l’accueil des immigrants avec des expressions uniques à la candidate du Front national telles que mondialisation sauvage, immigration massive ou immigration de masse, fondamentalisme islamique, mais également par une utilisation plus fréquente de mots et expressions tels qu’intérêts privés (26.0x), patriotisme économique (21.9x), amour de la France (17,2x), frontière nationales (9.7x), indépendance de la France (x7.4), citoyenneté (6.8x), solidarité nationale (6.4x), peuple de France (6.0x), terrorisme islamiste (5.4x), concurrence déloyale (x5.1), patriotisme (5.0x), et plus loin, référendum (2.8x), intérêt national (2.6x) ou indépendance (2.4x). Ses références à l’Union européenne (23.4x) ou à Bruxelles (7.0x), ou à l’utilisation de mots tels que mondialisation (3.2x), peuples (3.5x), libertés (3.1x) puissances (2.6x), monnaie (2.6x) et même des mots en apparence positifs tels accueillir (2.2x) et diversité (2.0x) n’échappent pas à cet objectif qui consiste à dresser des barrières à l’immigration et remettre en question l’appartenance à l’Union européenne. En somme, ce qui distingue le discours de Marine Le Pen des autres candidats, ce sont principalement des termes négatifs critiquant la situation passée ou présente, et le désir de se positionner comme candidate anti-establishment, anti-Union européenne, anti-immigration. Par ailleurs, plus que tout autre candidat elle se plaint des médias (4.7x) de leur manque d’indépendance et d’impartialité et lance un appel à ses partisans pour faire usage des réseaux sociaux (4.2x).
Lorsqu’on s’attarde aux mots et expressions utilisés par tous les autres candidats, mais jamais utilisés par Marine Le Pen, on retrouve en tête de liste, sans grande surprise, l’expression extrême droite, mais suivie de près par projet européen, temps de travail, code du travail, liberté de conscience, dialogue social, revenu universel et harmonisation fiscale, mais également êtres humains. Elle n’utilise jamais non plus les mots prévention ou opportunités. Parmi les mots dont elle fait usage, mais à plus faible fréquence, on retrouve des mots tels que génération (-4.0x), contrat (-3.3x), besoins (-2.8x), parlement (-2.7x), travail (-2.5x), collectivités locales (-2.5x), ainsi que des mots tels qu’éducation (-2.0x), enseignants (-2.0x) apprentissage (-2.3x). Elle fait de ce dernier mot un usage très spécifique pour parler de l’importance d’apprendre la langue française, la culture française et l’histoire de la France. Le seul mot proprement négatif dans cette liste est le mot peur (-2.2x), ce qui peut sembler paradoxal si l’on considère les mots et expressions caractéristiques de son discours tels qu’identifiés précédemment. Cependant, en remontant plus loin et en analysant les discours de Marine Le Pen depuis 2011, on constate que l’utilisation du mot « peur » est à son plus bas niveau en 2016 et 2017, celui-ci étant utilisé près de cinq fois moins souvent lors de la présente campagne présidentielle qu’entre 2011 et 2015.
EN BREF
Les discours de Le Pen et Macron s’avèrent très différents autant par le ton que sur le contenu. Le discours de Marine Le Pen exprime une méfiance, voire une aversion marquée face au système politique. On peut donc penser que, par ses propos et par son ton critique, elle cherche à rejoindre les sentiments d’une large part de la société française en colère ou désabusée face au statu quo. Macron, pour sa part, exprime le désir de changement, sans pour autant proposer des changements radicaux tels que la sortie de l’Euro, la fermeture des frontières, ou l’expulsion des migrants illégaux. Le choix des mots dont il fait l’usage et le ton qu’il adopte devraient rallier ceux et celles qui désirent un changement sans pour autant entraîner de grands bouleversements.
À propos de Provalis Research
Recherches Provalis est une firme basée a Montréal, Québec et offrant des solutions d’analyse sémantique.
A propos d’Infostats
Infostats est une nouvelle agence, basée à Tours en France, spécialisée dans les sondages (opinion, mesure de la satisfaction, climat social, baromètres…) et la veille Internet.